L’entretien annuel

Formation

Dans la série des outils de communication et de management, je vous propose un élément supplémentaire. L’entretien annuel est de plus en plus courant et comme les autres outils de management, il peut passer pour une perte de temps pour les salariés. Mais bien utilisé, il est un outil efficace pour maintenir les effectifs dans une organisation et optimiser les performances des équipes. Ce qui peut vous éviter d’être confronté trop souvent aux contraintes de l’embauche qui de nos jours peuvent s’avérer être un vrai casse-tête.

Qu’est-ce que c’est ?

L’entretien annuel est parfois désigné “entretien d’évaluation”. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un entretien qui a lieu tous les ans et qui sert à évaluer un salarié.

Il s’agit d’un document nominatif, confidentiel et peut se présenter sous la forme d’une grille d’évaluation. Il y a également une partie libre afin de noter les commentaires du salarié concerné et de son N+1.

Ce document est un support de discussion lors d’un entretien en tête à tête, moment privilégié entre un employé et son responsable hiérarchique. Il peut s’accompagner de la fiche de poste et éventuellement d’un rapport d’étonnement.

A quoi sert l’entretien annuel ?

Concrètement, il s’agit de prendre le temps de faire un bilan de l’année écoulée et de préparer l’année à venir. S’il s’agit de la première année de mise en place du dispositif, vous pouvez tout de même faire le point sur le passé. Cela constitue une bonne base pour préparer l’avenir.

Cela permet également de décider d’actions à mettre en place pour améliorer les performances de la personne afin de lui permettre de monter en compétences.

Même si la finalité n’est pas celle-là, le sujet de la rémunération arrivera sur le tapis. Vous ne pourrez la traiter réellement qu’à la fin quand le bilan sera terminé. Je vous conseille de ne pas statuer dans la réunion mais de noter la remarque de votre interlocuteur comme toutes les autres remarques et de lui signifier qu’elle sera traitée au même titre que les autres.

Comment se compose le document support ?

Comme il s’agit d’un entretien confidentiel entre un salarié et son responsable direct, le document doit nommer les 2 personnes en précisant la date à laquelle est tenue la réunion. Il sera stocké soit par vous, soit par les ressources humaines.

D’abord un bilan de l’année écoulée …

Pour faire le bilan de l’année écoulée, vous pouvez établir une grille d’évaluation qui se base sur la fiche de poste. La grille doit tenir compte des compétences et aptitudes liées au poste en fonction des exigences.

Si la fiche de poste n’existe pas, ces entretiens annuels peuvent être l’occasion de leur mise en place.

Le bilan doit aboutir sur un point quant à la situation au jour J par rapport à des objectifs fixés l’année précédente. Pour cela, il faut lister :

  • les réussites de la personnes et les valoriser ;
  • les points perfectibles ;
  • les difficultés rencontrées ;
  • les solutions qui peuvent être apportées ;
  • les projets de l’employé, son profil et ses aspirations.

Vous devez prévoir un espace libre pour noter tous les points évoqués ci-dessus. De ce fait, la discussion peut porter sur les difficultés de votre collaborateur pour atteindre les objectifs prévus. Dans ce cas, il faut voir ensemble dans quelle mesure il est possible d’y remédier. Si cela semble impossible, il est intéressant de comprendre si la personne se sent à sa place.

Vous pouvez évaluer la motivation de votre interlocuteur au travers de toutes ces discussions.

…un projet d’avenir avec des objectifs…

Suite à ce premier bilan, vous devez établir conjointement les objectifs pour la nouvelle année. Vous aurez bien évidemment préparé de votre côté ce que vous attendez de votre collaborateur. Cela doit contribuer aux objectifs finaux de votre service. Ces objectifs doivent tenir compte de la discussion qui a précédé. Néanmoins ils doivent être réalistes.

En découle le sujet des moyens à mettre en place pour que le salarié y parvienne. Ces moyens peuvent être un plan de formation, du matériel lié à son travail, une localisation géographique adaptée…

C’est alors que vous pouvez prétendre à la validation des objectifs de la part de votre employé.

…une conclusion et une signature.

Comme toute réunion, il faut passer à la conclusion. Elle doit tenir compte de ce que vous aviez préparé avant l’entrevue et de ce qui s’est dit pendant celle-ci. Enfin elle doit être comprise par votre interlocuteur.

Le document doit se terminer par une signature des deux parties. Le salarié n’est pas obligé de signer le compte rendu mais dans ce cas, cela peut vouloir dire que le salarié n’est pas d’accord avec ce qui a été évoqué. Cela signifie également que le document a moins d’intérêt si vous devez vous en servir comme un élément dans un dossier de licenciement.

Si le salarié accepte spontanément de le signer, cela signifie qu’un climat de confiance s’est installé entre les 2 personnes et que l’année à venir se présente sous de bons auspices pour une collaboration efficace.

Que le salarié ait signé ou non, il peut vous demander une copie du compte rendu. Dans tous les cas, je vous conseille de lui donner, après tout cela le concerne directement.

Au final, à quoi cela ne doit-il pas servir ?

Même si l’employé sautera sur l’occasion pour vous demander une augmentation, et ce quelque soit le bilan, ce n’est pas l’objectif premier de la réunion. Néanmoins, vous pouvez vous en servir pour justifier ou non de l’évolution positive de sa rémunération.

Vous ne devez en aucun cas vous servir de ce bilan pour rétrograder un collaborateur ou diminuer sa rémunération. Sauf si le salarié est d’accord…

N’oubliez pas que la rémunération n’est pas votre seul levier de motivation. Pensez aux éléments suivants :

  • un système de bonus ;
  • un aménagement d’horaires ;
  • une mobilité interne ou externe ;
  • le télétravail ;
  • un congé exceptionnel …

Il ne s’agit pas non plus d’un entretien préalable à un licenciement. Quelque soit la discussion, ce compte rendu ne peut pas justifier à lui seul d’un licenciement, même pour inaptitude ou insuffisance professionnelle. Il pourra juste entrer dans le dossier et composer un des éléments qui perdra de l’impact s’il n’est pas signé par le salarié.

Quel est son caractère obligatoire ?

Comme beaucoup d’autres outils, il n’a pas un caractère obligatoire donc il n’est pas encadré par la loi. Toutefois il peut être exigé par la convention collective qui concerne la société dans laquelle vous travaillez. Donc il faut vous y référer car certains éléments de cet article peuvent ne pas être valable dans votre cas de figure.

Dans tous les cas, il peut être imposé dans une organisation soit par la convention collective, soit par un accord collectif approuvé par le CSE. De ce fait, le salarié ne peut pas refuser d’y participer sauf s’il n’en a pas été informé au préalable.

En effet, si l’employé était présent dans la société avant la mise en place du dispositif, la direction doit faire part de l’accord avec le CSE pour mener les entretiens annuels.

Par contre, si le dispositif existe déjà dans l’entreprise lors de son arrivée, le nouveau venu doit en être informé pendant le processus d’intégration.

Néanmoins, si le salarié est réticent, il ne faut pas le braquer et vous devez en discuter avec lui pour comprendre son refus et au besoin lui expliquer les tenants et les aboutissants de l’exercice. Une fois le salarié convaincu des bienfaits de l’entretien annuel, il sera plus à même de s’y livrer et le résultat sera d’autant plus efficace.

Contrairement à l’entretien professionnel, l’employé n’a pas le droit de se faire assister par un représentant du personnel dans la mesure où il ne s’agit pas d’un entretien préalable à un licenciement mais d’un bilan entre un employé et son supérieur hiérarchique.

Enfin, s’il est décidé dans l’entreprise de réaliser des entretiens annuels, il doit s’appliquer à tous les employés sans exception.

Quelle est la différence avec l’entretien professionnel ?

De ce fait, faisons un comparatif entre l’entretien annuel et l’entretien professionnel :

Entretien annuel

Entretien professionnel

tous les ans

tous les 2 ans (convenu par un accord collectif dans l’entreprise)

puis à 6 ans pour un bilan plus général

les deux entretiens peuvent être organisés à l’issue d’un congés autre que les vacances annuelles

pas d’obligation sauf si la convention collective le précise ou s’il est convenu avec le CSE

obligation légale

pas d’accompagnement

peut être préparé avec un CEP (conseiller en évaluation professionnelle) ou un OPCO (opérateur de compétences)

bilan des aptitudes professionnelles par rapport à des objectifs fixés et discussion sur les nouveaux objectifs annuels

discussion sur les perspectives professionnelles et sur les formations à suivre pour y parvenir

Mais encore…

L’entretien professionnel concerne tous les employés et permet de les informer sur l’existence et le fonctionnement :

  • de la VAE (validation des acquis de l’expérience) ;
  • du CPF (compte professionnel de formation) ;
  • du CEP ( conseiller en évolution professionnelle) qui peut aider gratuitement les employés à préparer l’entretien et la suite de sa carrière professionnelle.

L’entretien professionnel doit être expliqué lors du processus d’intégration d’un nouveau collaborateur car ce dernier doit prendre connaissance de cette pratique au sein de l’entreprise.

L’entretien professionnel n’est pas une évaluation de la qualité du travail fourni par l’employé puisque c’est le but de l’entretien annuel. Toutefois, il doit aboutir à au moins une action de formation entre deux entretiens. Lors de l’entretien suivant, la seule évaluation qui en découle est la pertinence de l’action de formation et la progression que cela a engendré chez le salarié.

Dans le cas où il souhaite faire évoluer sa carrière, un employé est en droit de demander à ce que l’entretien soit réalisé même s’il n’est pas prévu dans l’immédiat.

Les clés de la réussite

La préparation

Comme toute réunion, celle-ci doit se préparer à l’avance par les 2 personnes concernées.

Afin de ne pas générer de stress, il faut que le salarié soit averti de l’entretien à venir, de l’intérêt que les 2 parties vont tirer de cette entrevue et de le rassurer par rapport à ses éventuelles craintes persistantes. 

La date doit être convenue en accord avec les 2 parties, dans le temps de travail.

Une fois la date arrêtée, vous devez donner une grille d’évaluation vierge à l’employé. Pour être efficace, l’employé doit préparer l’entretien en réalisant une autoévaluation à l’aide de la grille fournie.

Vous devez également prévenir des sujets qui sont susceptibles d’être abordés. L’employé peut ajouter d’autres sujets. Dans ce cas, il est préférable pour lui de venir avec des arguments basés sur des faits et non des impressions et si possible des données chiffrées qui appuieront son discours.

De votre côté, cela signifie que vous aurez travaillé sur l’entretien en amont. Vous aurez préparé la grille d’évaluation en fonction des personnes à voir. Vous aurez également ciblé les faiblesses de chaque équipier en les formulant comme étant des points perfectibles. Vous aurez donc déjà une idée de la progression attendue.

Les documents de référence lors de l’entretien

Vous pouvez vous appuyer sur plusieurs supports pour alimenter la discussion. Dans ce cas, il est bien de les communiquer à l’avance au salarié :

  • le compte rendu précédent ;
  • la fiche de poste ;
  • la grille d’évaluation ;
  • les indicateurs de performance du service ;
  • un rapport d’étonnement que le salarié doit préparer à l’avance et vous rendre les jours qui précèdent l’entretien pour que vous ayez le temps d’en prendre connaissance.

Les sujets qui peuvent être abordés

Vous pouvez décider d’aborder d’autres thèmes que l’évaluation en elle-même. Cela peut porter sur :

  • la place du salarié dans l’entreprise ;
  • son niveau de formation actuel ;
  • sa relation avec les autres équipiers ou services ;
  • les formations que la personne a suivies l’année précédente et ce que cela lui a apporté ;
  • ses désirs de changement de poste, de service, d’agence, de pays si vous travaillez dans un groupe ;
  • ses désirs de changement de statut, de conditions de travail, de télétravail.

Dans tous les cas, la discussion doit être argumentée et vous devez comprendre d’où vient cette volonté de changement pour apporter les meilleures solutions à votre équipier.

Les pièges à éviter

Vous ne devez pas aborder de sujets personnels avec le salarié sous peine de vous trouver sous le joux de la discrimination, sauf si le salarié les aborde de lui-même. Dans ce cas, notez clairement dans le compte rendu que c’est à la demande du collaborateur et cela devient un argument pour lui faire signer le document. S’il refuse de signer le document, alors je vous conseille de ne pas faire figurer cette partie de la discussion dans le rapport.

Si vous êtes dans l’obligation de récolter des données personnelles de l’employé, vous devez vous référer au RGDP établi par le service des ressources humaines.

Si le collaborateur concerné par l’entretien annuel est un représentant du personnel ou a une étiquette syndicale, ces points ne doivent en aucun cas être abordés, même si vous estimez que cela perturbe l’efficacité de l’employé ou le fonctionnement de votre service. Si le salarié le fait malgré tout, vous devez lui suggérer d’organiser une autre réunion pour aborder ces points.

Vous devez vous assurer que les objectifs que vous allez établir avec l’employé sont compris et acceptés par les 2 parties sinon vous risquez de démotiver la personne avant même de commencer une nouvelle année de collaboration.

Un autre piège à éviter quand vous devez réaliser l’entretien d’une personne compliquée à manager et avec qui vous savez à l’avance que ce sera du sport, l’entrevue ne doit pas finir en joute verbale. Cela n’avancera à rien. Il faut vous efforcer de calmer le jeu et avoir un échange constructif.

Les conseils pour être efficace

Comme je le conseille régulièrement, il faut que l’exercice soit objectif et transparent. Pour cela, il faut être factuel et pousser les personnes de votre équipe à l’être également en s’appuyant sur des données chiffrées lorsque c’est possible. Il faut favoriser la discussion, l’écoute active et ne pas censurer de sujets même s’ils ne peuvent pas apparaître dans le rapport final.

Lorsque vous abordez les échecs de la personne, vous devez la questionner afin d’en comprendre les causes. Votre interlocuteur doit vous proposer des solutions ainsi elle sera motivée pour les mettre en place. A défaut, vous devez lui en proposer.

Il est préférable d’ouvrir la discussion sur l’avenir de l’employé dans la société avant de définir les objectifs finaux et le plan d’actions qui en découle.

Si vous vous mettez d’accord sur un plan de formation, vous devez le mettre en place avec les ressources humaines. Si vous ne le faites pas, vous ne pourrez pas reprocher à votre collaborateur de ne pas avoir atteint les objectifs l’année suivante. L’employé sera dans son droit puisque vous ne lui aurez pas donné les moyens d’y arriver. De plus, il gardera en tête que l’entretien annuel n’a aucun intérêt pour lui.

En conclusion

Même si l’entretien professionnel est prévu pour cela, l’entretien annuel peut incorporer un suivi de carrière et un plan de formation sur du court, moyen ou long terme.

Cet entretien est un très bon outil de management et de ressources humaines qui nécessite des plans d’actions pour ne pas faire perdre du temps à tout le monde et lui donner toute son efficacité.

Il peut servir à motiver un salarié, à remanier les services dans l’optique final d’optimiser les performances des équipes de l’entreprise. Un employé qui se sent bien dans son service et dans son poste est plus performant. L’entreprise gagne en productivité et en pérennité.

Je peux vous accompagner dans la mise en place de l’exercice et dans l’organisation du plan d’action qui en découle.